Le jour où j’ai bu un verre de jaja chez Brigitte Fontaine

Récit

C’est parti sur Twitter…

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(…)

Alban_Dei écrit qu’il raconterait bien le jour où il a bu un coup avec Brigitte Fontaine…

Je l’invite dans l’épicerie pour le raconter. Et voilà… Pour info, il tient un commerce de presse.

Nous sommes en 2001.
Je suis encore un jeune homme un peu idéaliste qui désire devenir journaliste. La bulle Internet a déjà explosé mais Wanadoo nage encore pour quelques mois dans l’euphorie. La filiale de France Télécom commercialise à l’époque ses premières offres haut débit et développe, pour illustrer les bienfaits de l’ADSL, des programmes vidéo « premium ». C’est dans le cadre de ces programmes qu’on décide de réaliser une interview de Brigitte Fontaine pour la sortie de son excellent et foutraque album Kékéland.

Rendez-vous est pris avec le chef de produit de la maison de disque dans un petit bar de l’île de la cité. Première remarque il est seul. Il nous rassure rapidement, on va tourner chez Brigitte. Il est très rare d’être convié chez un artiste quand on n’est pas Laurent Boyer ou Michel Drucker, c’est donc une bonne nouvelle. Effectivement il passe un coup de fil devant nous et prévient que nous arrivons. Web ou pas, comme on aime le travail bien fait et qu’on tourne à deux caméras, nous sommes quatre.

Brigitte nous reçoit, distraite, et visiblement légèrement agacée. Nous sommes un peu nombreux à son goût. Elle habite alors un petit duplex niché dans un immeuble médiéval. La pièce principale est en désordre et un portant croulant sous les vêtements encombre l’entrée.

Brigitte a la tête rasée. Elle porte une combinaison intégrale de cuir et une paire de rangers, sensation garantie. Sa silhouette longiligne nous accompagne jusqu’à la table. Areski, son compagnon de toujours, est là, sympathique et avenant. Nous commençons à déployer le matériel. Brigitte espère qu’on fera vite. Areski propose alors de nous servir un verre. Brigitte l’interrompt furibonde : « et après c’est encore moi qui vais faire la vaisselle ! » Il propose alors que chacun lave son verre en partant. Elle n’y croit guère mais cède et on nous sert un verre de vin, la bouteille était déjà ouverte, prête à régaler.

On est en place, l’interview va pouvoir commencer. Brigitte se sert un whisky et y ajoute de l’Ice tea. Le réalisateur s’apprête à enlever la bouteille en plastique du champ. Brigitte refuse, elle veut qu’on pense que c’est de l’Ice tea qu’elle sirote. Je vois que le réalisateur est embêté. Le niveau de liquide dans le verre est piégeux pour le montage. Brigitte fumera également consciencieusement pendant toute l’entrevue.

L’entretien se déroule le mieux du monde (enfin on se rendra compte plus tard qu’on n’a pas respecté la règle des 30° pour les caméras et il faudra retourner le plan de coupe mais bon), Brigitte se détend, Areski et le chef de produit parlent à voix basse en opinant du chef. Tout est en boîte.

Brigitte Fontaine nous annonce qu’on n’aura pas à nettoyer nos verres, c’est une très délicate attention, sans doute une façon de nous signifier qu’elle a passé un moment agréable. On range le matériel, cette éternelle adolescente en tenue SM nous raccompagne, je suis un peu troublé par cette rencontre encore aujourd’hui.

Post Scriptum

Je vous rappelle que je n’aime rien tant que publier vos histoires, quand elles me plaisent 😉

Et malheureusement, ça arrive beaucoup trop rarement…

Mon mail gbirenbaum@gmail.com.

9 Commentaires

  1. Qu’est-ce que la règle des 30° ?

  2. UN verre, avec Brigitte Fontaine ? Mon zoeil !

  3. C’est assez bien expliqué là http://tuto.elephorm.com/tuto-techniques-de-cadrage-la-narration-cinematographique/la-regle-des-30

    Quand on filme à 2 caméras, ou à une caméra mais qu’on varie les valeur des plans dans l’optique d’un futur montage, les caméras doivent varier selon un angle d’au moins 30° sinon on perçoit mal le changement d’axe et on a l’impression d’un mauvais raccord. On peut rattraper au montage parfois en retournant l’image ou en zoomant.

  4. Une belle rencontre. Je suppose que c’était dans l’Ile Saint-Louis. Elle était voisine avec Moustaki, me semble-t-il.
    Je trouve dommage – je ne le reproche pas à ce récit – qu’on ne parle pas suffisamment d’Areski. Sa part dans la création des chansons de Brigitte Fontaine est prépondérante. Mais peut-être a-t-il choisi de rester dans l’ombre ?
    Une superbe chanson de « la grande époque du duo » :
    http://www.youtube.com/watch?v=nPHMsYooRCc
    Un des plus beaux disques de Higelin, c’est « Higelin et Areski » (1969 quand même) :
    http://www.dailymotion.com/video/x8i1cx_higelin-areski-remember_music

  5. C’est vachement bien écrit .

    Si vous avez une autre entrevue à nous conter, je suis impatient.

  6. Tiens, mon commentaire est resté bloqué en route. Je l’ai renvoyé et un message m’a dit qu’il s’agissait d’un doublon.

  7. Les hospitaliers ou l’ordre de la joie et de la déconne

    Laver son verre en partant, c’est bien comme cela que je les imagine ces deux là, ha ha ha, faut avoir tant reçu et recevoir encore tant de gens, de copains de copains de copains pour avoir cette idée
    Ils sont si libre ces deux poètes.

    Ps: la déconne dans le sens de marginal, de dégagé des injonctions de nos sociétés réactionnaires et moralisatrices sans l’éthique.

    Sympa ce billet, cette rencontre

  8. Le jour où j’ai bu un verre avec DSK … j’étais habillée … je crois …

  9. Salut Guy,
    Toujours pas retrouvé mon message disparu ?

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21 Déc, 2013

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