Quinze ans… Une vie

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En avril 1993, je travaillais rue de Solférino. Au siège du Parti socialiste. J’étais alors, depuis quelques mois, l’un des rédacteurs en chef d’une revue qui se nommait Vendredi-Idées. N’étant pas parvenu à être nommé à l’Université (ma nomination date de l’année d’après, à Montpellier I), j’avais été « récupéré », alors que je me préparais à chercher du travail dans la « vraie vie », par Henri Weber, bras droit de Laurent Fabius, alors premier secrétaire. Il m’avait demandé de créer une revue d’intellos en compagnie de Gilles Finchelstein.

En avril 1993, je travaillais rue de Solférino. Au siège du Parti socialiste. J’étais alors, depuis quelques mois, l’un des rédacteurs en chef d’une revue qui se nommait Vendredi-Idées. N’étant pas parvenu à être nommé à l’Université (ma nomination date de l’année d’après, à Montpellier I), j’avais été « récupéré », alors que je me préparais à chercher du travail dans la « vraie vie », par Henri Weber, bras droit de Laurent Fabius, alors premier secrétaire. Il m’avait demandé de créer une revue d’intellos en compagnie de Gilles Finchelstein.

(…)

Je vous écris ça, ce matin, parce qu’hier soir, tard, j’ai regardé un documentaire, sur France 2, consacré au suicide de Pierre Bérégovoy, le 1er mai 1993. J’ai justement vécu de l’intérieur du PS – j’étais un de ses permanents sans en être militant, ni y être encarté : une rareté… – la débacle électorale la pire de l’Histoire des socialistes et la mort de Pierre Bérégovoy.

Après la défaite, Laurent Fabius quitte le premier secrétariat du Parti socialiste. Il y est remplacé par Michel Rocard. J’avais vraiment les cheveux trop longs, ce jour-là, dans la cour de Solférino… @Pascal Lebrun, avril 1993. Collection personnelle gb.

Je me souviendrai toute ma vie, je crois, de quatre moments précis.

Les soirées électorales des 21 et 28 mars, rue de Solférino. Les visages défaits des battus et de leurs proches. L’inquiétude palpable des permanents. Il ne resta que 57 députes socialistes…

Quelques semaines plus tard, j’ai croisé Pierre Bérégovoy dans les couloirs du Parti – courant avril, je crois – peu de jours avant son suicide. Je revois cette scène comme si c’était hier. Une ombre grise, lourde et sépulcrale glissait et rasait sans bruit le long des murs.

« Béré » se sentait coupable de la défaite.

Pas responsable… Coupable ; à cause de l’affaire du prêt d’un million de francs – un million de fancs – qu’il avait accepté de Roger-Patrice Pelat, pour l’achat de son appartement.

Le Canard et Le Monde avaient sorti ce « scoop » plaçant Bérégovoy et les socialistes en bien fâcheuse posture.

La vérité m’oblige à dire que peu de regards et encore moins de paroles vinrent tenter de dissuader l’ancien premier ministre de sa responsabilité.

Pensez-donc, un premier ministre qui sollicite un prêt personnel d’un million de francs, sans intérêt, pour s’acheter un appartement…

Le 1er mai, j’étais chez moi.

J’étais à l’époque également chroniqueur dans l’hebdomadaire de la Mitterrandie finissante : le Globe-Hebdo de Georges-Marc Benamou. Georges-Marc est le premier qui m’a donné ma chance dans la presse.

C’est au téléphone que j’appris la nouvelle.

Je n’avais pas encore de portable.

L’ex premier ministre n’était pas encore mort.

On le ramenait à Paris en hélicoptère.

Chacun commença à recueillir des témoignages et à écrire son papier dans son coin.

Nous nous retrouvâmes tous au journal, totalement sidérés par le geste de Bérégovoy.

Ce fut un bouclage particulier.

Le quatrième temps de mon histoire – la vôtre aussi, peut-être – concerne les obsèques de Bérégovoy.

Le Mitterrand blême au masque de de cire qui fustige les « chiens », les journalistes :

« Toutes les explications du monde ne justifieront pas que l’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et finalement sa vie au prix d’un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d’entre nous ».

J’ai revu ce Mitterrand là hier soir.

À chaque fois que cet extrait fameux de son discours repasse à la télévision, je suis emporté par l’émotion et pris de frissons.

Je pense alors, exactement comme le jour de ces obsèques, que probablement aucune révélation ne vaut la vie d’un homme.

Puis d’autres questions viennent.

Mitterrand est-il sincère ?

Surjoue-t-il l’émotion, la tristesse et la fureur pour s’exonérer d’avoir lâché « Béré » ou d’avoir sous-estimé sa détresse ?

S’agit-il là de sentiments réellement encore « compatibles » pour les politiques, une fois qu’ils ont atteint les sommets ?

Leurs larmes sont elles – parfois – sincères ? Ségolène Royal sanglotant en disant « Adieu » au président, à la fin du dernier conseil des ministres du gouvernement Bérégovoy…

Je n’aurai jamais de réponses.

Mais je suis touché à chaque fois.

Sans doute parce que je ne pourrai jamais effacer de ma mémoire la silhouette courbée de l’homme blessé que j’ai croisé, en avril 1993, dans les couloirs du Parti.

C’était il y a quinze ans…

Une vie.

3 Commentaires

  1. la tête et le coeur

    jamais l’une sans l’autre

    jamais l’un sans l’autre

  2. J’ai de nouveau pensé à toi ce matin. J’espère avoir à ne plus le faire ces prochains mois.

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