Miller, les juifs, la France, la morale, le fond et la forme

Tout a commencé avec une tribune de Gérard Miller publiée dans Le monde, titrée « Jamais autant de juifs français n’ont perdu à ce point leur boussole morale ».

Pour moi, rien n’allait dans cette expression « juifs français ». Reprenant l’écrit fulgurant de mon regretté ami Michel Henochsberg, publié ici même en 2015, j’expliquais sur X qu’il n’y a pas de « juifs français » mais des « Français juifs », dans cet ordre.

Je fus alors légitimement interrogé par des usagers de X sur le « fond » du propos de Miller, au delà de cet aspect prétendument uniquement formel.

Alors allons-y.

Miller se demande comment des électeurs juifs peuvent voter pour l’extrême droite .

Je me pose la même question que lui.

Tentons d’y répondre.

Hypothèses de travail à vérifier : parce qu’ils ont peur, comme beaucoup des électeurs de l’extrême droite (il m’est arrivé de travailler un peu sur cette question).

De quoi ont-ils peur et qu’est ce qui entretient cette peur ?

D’abord, de l’antisémitisme qui existe vraiment – cela se nomme la réalité – dans notre pays et qu’ils identifient comme venant désormais davantage de certains de nos quartiers que de la vieille extrême droite traditionaliste (bien qu’elle n’ait nullement cessé d’exister, ni au RN, ni à Reconquête). Cet antisémitisme-là, probablement lié pour partie à l’importation politique, déjà ancienne, du conflit israélo-palestinien, est évidemment couramment évoqué dans les discours de tous ceux qui finissent toujours par dénigrer tous les musulmans, au prétexte d’attaquer l’islamisme militant et le terrorisme islamiste.

Mais ce n’est pas tout.

Si des électeurs juifs votent malheureusement pour l’extrême droite, c’est aussi parce qu’une partie de la gauche, autrefois farouchement laïque, a totalement modifié son discours, probablement par pur opportunisme électoral. Il y a là un clientélisme qui mène à des postures communautaristes évidentes, perçues par beaucoup d’électeurs (juifs ou pas) comme privilégiant certaines communautés musulmanes et, par construction intellectuelle tous les islamistes radicaux.

Pour répondre à la question initiale, ce sont donc des discours extrémistes de droite mais aussi des propos et postures de gauche (le point évidemment totalement aveugle de l’analyse de Gérard Miller) qui entretiennent et renforcent de nombreux électeurs (juifs et non juifs) dans leurs peurs et leurs croyances.

Ne pas mesurer ces origines c’est s’interdire de comprendre la situation.

Post scriptum Gérard Miller établit une liste de ce qu’il nomme les « abominations antisémites de ces quarante dernières années », de l’attentat de Copernic à l’assassinat de Sarah Halimi. Il y omet malheureusement l’assassinat, le 19 mars 2012, par Mohamed Merah, devant l’établissement scolaire juif Ozar Hatorah, à Toulouse, de trois enfants et d’un enseignant juifs. Tués tous les quatre parce qu’ils étaient juifs. Tout comme Merah avait tué, quelques jours plus tôt, trois militaires Français, parce qu’ils étaient des militaires Français. Cet oubli est fâcheux.

4 Commentaires

  1. Merci pour ce billet. Je me demande toutefois si insister systématiquement et exclusivement sur les errements de certains à gauche, et sur l’antisémitisme qui a germé dans une partie de la communauté musulmane, dès qu’on évoque une certaine fascisation des esprits et la constante progression de l’extrême-droite, que ce soit parmi des Français juifs ou non, on ne participe pas à une forme de justification et donc de banalisation du fascisme qui vient. Pas de méprise, je suis toujours pour expliquer et comprendre, mais quand l’explication se contente systématiquement et exclusivement de regarder à gauche et parmi les musulmans, je me dis qu’on en oublie un peu facilement l’essentiel, par exemple ici de dire que la fascisation de Français juifs est aussi tragique que coupable, terriblement dangereuse. Et cet oubli là également est fâcheux.

  2. Mais le problème c’est que la proportion de juifs passés à l’extrême droite est une quantité très marginale surtout au regard de la taille minime de la « communauté » dont on parle. Miller parle de combien de personnes en vérité ??? Ce sera toujours trop, mais combien ?

  3. Les mouvements de gauche recrutent dans les mécontents, ceux qui se plaignent des contrôles de police, ceux qui refusent les règles « laïques » :le voile, les signes religieux, ceux qui rencontrent les difficultés de trouver un emploi ou un logement, ceux qui ne sont pas intégrés et rejetés dans certains quartiers plutôt pauvres.
    Et comme ces nouveaux militants prennent de l’ampleur, s’épaulent dans une « communauté » de pensée ils influent sur les choix de développement de projets.
    Comme ces groupes avaient pris le pouvoir dans les équipes sportives (foot, lutte, …) à partir des équipes d’entreprises syndicales (FC-Sochaux, SFC-Montataire, …)
    Clientélisme = , influence, argent, pouvoir …

  4. Petit détail:  » juif » s’écrit avec une minuscule lorsqu’il indique la religion ( comme catholique, musulman, etc.) , avec une majuscule ( » Juif ») lorsqu’il indique l’ethnie.

    Et petite question préalable: définition d’ un Juif ? Tous ceux que je connais sont athées.

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