Je ne connais pas de meilleure manière de commencer l’année…
Je ne connais pas de meilleure manière de commencer l’année…
(…)
Bonne année mon cul
(3 février 1986)
Il était temps que janvier fît place à février.
Janvier est de très loin le plus saumâtre, le plus grumeleux, le moins pétillant de l’année. Les plus sous-doués d’entre vous auront remarqué que janvier débute le premier. Je veux dire que ce n’est pas moi qui ai commencé.
Et qu’est-ce que le premier janvier, sinon le jour honni entre tous où des brassées d’imbéciles joviaux se jettent sur leur téléphone pour vous rappeler l’inexorable progression de votre compte à rebours avant le départ vers le Père-Lachaise…
Dieu Merci, cet hiver, afin de m’épargner au maximum les assauts grotesques de ces enthousiasmes hypocrites, j’ai modifié légèrement le message de mon répondeur téléphonique. Au lieu de «Bonjour à tous», j’ai mis «Bonne année mon cul». C’est net, c’est sobre, et ça vole suffisamment bas pour que les grossiers trouvent ça vulgaire.
Plus encore que les quanrante-cinq précédents mois de janvier que j’ai eu le malheur de traverser par la faute de ma mère, celui-ci est à marquer d’une pierre noire. Je n’en retiens pour ma part que les glauques et mornes soubresauts de l’actualité dont il fut parsemé.
C’est un avocat très mûr qui tombe, sa veuve qui descend de son petit cheval pour monter sur ses grands chevaux. La gauche est dans un cul-de-sac. Mme Villemin est dans l’impasse, tandis que, de bitume en bitume, les graphologues de l’affaire qui ne dessoûlent plus continuent à jouer à Pince-mi et Grégory sont dans un bateau.
Côté bouillon de culture, Francis Huster attrape le Cid avec Jean Marais. Au Progrès de Lyon, le spécialiste des chiens écrasés et le responsable des chats noyés, apprenant qu’Hersant rachète le journal, se dominent pour ne pas faire grève.
Le 15, premier coup dur, Balavoine est mort.
Le 16, deuxième coup dur, Chantal Goya est toujours vivante. L’Espagne – fallait-il qu’elle fût myope – reconnait Israël.
Le 19, on croit apercevoir mère Teresa chez Régine : c’était Bardot sous sa mantille en peau de phoque…
Le 23, il fait 9° à Massy-Palaiseau. On n’avait pas vu ça, un 23 janvier, depuis 1936. Et je pose la question : Qu’est-ce que ça peut foutre ?
Le 26, sur TF1, le roi des Enfoirés dégouline de charité chrétienne dans une entreprise de restauration cardiaque pour nouveaux pauvres : heureusement, j’ai mon Alka-Seltzer.
Le 27, l’un des trois légionnaires assassins du Paris-Vintimille essaie timidement de se suicider dans sa cellule. Ses jours ne sont pas en danger. Je n’en dirais pas autant de ses nuits.
Le 29, feu d’artifice tragique à Cap-Kennedy. Bilan : 380 tonnes d’hydrogène et d’oxygène liquides bêtement gachées.
Et le soir du 31, comme tous les soirs, Joëlle Kauffmann embrasse ses deux garçons. Et elle entre dans sa chambre. Elle est toute seule. Elle ne dort pas très bien.
Enfin voici février. Sec comme un coup de trique et glacé comme un marron. Avec son Mardi gras qui nous court sur la crêpe. C’est le mois de saint Blaise, qui rit dans son ascèse, et de sainte Véronique, qui pleure dans les tuniques. C’est aussi le temps du carême, où les maigres chrétiens d’Ethiopie peuvent enfin jeûner la tête haute pour la seule gloire de Dieu.
Les statistiques sont irréfutables : c’est en février que les hommes s’entre-tuent le moins dans le monde ; moins de tueries guerrières, moins de rixes crapuleuses, moins d’agressions nocturnes dans les rues sombres du XVIII°, où l’insécurité est telle habituellement que les arables n’osent même plus sortir le soir. Jusqu’au nombre des cambriolages qui diminue de 6% en février. Et tout ça, pourquoi ?
Après les enquêtes scientifiques les plus poussées, les sociologues sont parvenus à cette incroyable conclusion : si les hommes font moins de conneries en février, c’est parce qu’ils n’ont que 28 jours.
Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m’étonnerait qu’il passe l’hiver.
Extrait de Chroniques de la haine ordinaire.
BONUS (1er janvier 1978)…
🙂 Là dessus je ne résiste pas à vous souhaiter à tous mes meilleurs vœux d’existence, de subsistance, de patience pour cette année 2013…
En regardant les reportages concernant la célébration du nouvel an j’ai été frappé par le contraste entre l’apparente festivité dans nombre de capitales de Berlin jusqu’à Dubaï…et puis la France où tout le gouvernement, pour répondre aux couacs de communication, a versé dans le caritatif entre hôpitaux et petits frères des pauvres…
On y a ajouté un message sécuritaire avec un Manuel Valls sur le pont nous promettant le bon chiffre de voitures brulées ! C’est d’un gai 😉
On déplore un mort qui aura eu la mauvaise idée de faire éclater un gros pétard (un mortier ?)…
Cette déprime, cette dépression généralisée a t-elle quelque chose de culturelle ? Est ce une façon d’être à l’avant-garde de la conscience universelle ?
Comme si la fin d’un monde se ressentait davantage dans les pays les plus développés et surtout le notre porteur de je ne sais quelle conscience universelle ?
C’est la version la plus « optimiste » à laquelle on va tenter de se rattacher !
D’autres vous diront qu’une grande partie du monde se développe, nait à la vie tandis que le vieux continent, quant à lui, a mangé son pain blanc ! 🙂
(Au moment où j’écris j’ai un Manuel Valls des plus déprimant en train de souhaiter ses meilleurs vœux à sa manière : suicidaires s’abstenir)
Bref il y a un bon sketch à proposer à nos humoristes : à Dubaï, (chez des supposés barbus austères et rétrogrades à priori) ça fait la numba tandis qu’en France on compte les voitures brulées ! C’est un monde quand meme ce binz 🙂
http://youtu.be/aF0EKKRUtr4
« En cas de morsure de vipère, sucez-vous le genou, ça fait marrer les écureuils. »
Merci.
Meilleurs mieux M. Birenbaum♫♪☼.
Et puis alors cette histoire de mur budgétaire aux USA c’est le summum 🙂
On nous explique presque la manière dont on est capable de contrôler un tsunami par la pensée magique !
40 ans de crise mais c’est jamais le bon crack définitif, celui qui siffle la fin de la partie pour qu’on morfle grave et qu’on soit contraint à passer à autre chose ! Pas moyen de voir éclater un ballon de baudruche qu’on compte bien continuer à remplir d’air jusqu’à la fin des temps !
Le fil du rasoir de la crise qui n’en finit plus c’est tellement plus hitchockien 😉
« Un jour, on aura besoin d’un visa pour passer du 31 décembre au 1er janvier. » [Jacques Sternberg]
Bonne année.
NK
Je viens de lire et de répondre sur l’autre post 😉
Vu 😉
(j’aime beaucoup cette photo de Desproges, avec le cadre… Et oui : ça fait toujours du bien…)