Mon camarade libraire Dominique m’a envoyé ce droit de réponse qui ne m’est pas adressé…

Mon camarade libraire Dominique m’a envoyé ce droit de réponse qui ne m’est pas adressé…

(…)

Je lui ai proposé bien volontiers de l’accueillir dans l’épicerie…

Cher Guy.

Je ne regarde jamais la télévision et pas plus l’émission de Taddeï qu’une autre, mais j’ai appris par certains de mes clients fréquentant régulièrement la librairie qu’une de mes petites « oeuvrettes » en cartes postales avait eu les honneurs de son émission du 12 septembre. Comme on peut  le constater sur ces copies d’écran récupérées sur le site de l’émission il a été assez largement et explicitement fait usage de la carte satirique que j’avais dessinée la veille de la sortie du livre.

Parution « surprise » mais dont j’avais été averti l’avant-veille (comme la plupart de mes confrères) par la commerciale de l’éditeur ( Les Arènes). Prenant la mesure du déferlement médiatique imminent, dès la veille de la mise à disposition du livre, et comme je le fais souvent j’ai détourné en carte postale satirique une vieille collection de Polars pour ironiser sur cette « actualité culturelle » et politique, et comme je le fais toujours, j’avais collé dès le jour de parution une affiche de la carte postale sur la vitrine de la librairie.

Cette affiche eut immédiatement un très vif succès, comme la plupart de celles que je colle sur la vitrine de la librairie, et dont on peut voir ici l’une des dernières sorties (en juillet)

Ces affichages sont une pratique « d’animation de quartier » coutumière de la librairie depuis plusieurs années, à l’usage des riverains qui en sont très friands (ainsi que des cartes postales dont elles annoncent la parution), et je ne ne vois pas d’inconvénient à ce que mes modestes productions circulent, sur les réseaux sociaux (que je ne fréquente jamais) et ailleurs…  car mes visées créatives dans ce domaine ne sont aucunement mercantiles. Plusieurs journaux sont d’ailleurs passés à la librairie, suite à la diffusion de l’affiche « Tu va la fermer » sur internet (sans doute « captées » via téléphones portables par des passants) et m’ont interviewé à propos de cette histoire.

Il ne me semble pas acceptable, en revanche, qu’une chaîne de télévision publique en fasse publiquement usage, sans m’en informer et sans même me citer. J’en suis d’autant plus fâché que lors de l’émission de Taddeï l’un de mes confrères s’est répandu en propos supposés justifier des positions à mes yeux ridicules et méprisantes, prétendument au nom des libraires indépendants. Des propos auxquels je souhaiterai apporter un contredit public, dans les mêmes conditions de temps de parole et de diffusion.
Je tiens à ce « droit de réponse » en mon nom propre, au nom de mes droits de créateur de la modeste satire qui a cependant été diffusée (sans mon accord) de telle manière qu’on peut imaginer qu’elle illustre une posture que je conchie absolument. Je tiens à manifester publiquement cette protestation et ce démenti au nom des centaines de mes confrères libraires indépendants qui contestent formellement les élucubrations des cuistres mondains que j’ai pu entendre en rejouant la vidéo de cette intervention, mais je souhaite également intervenir en tant que président de l’Association de Défense des Métiers du Livre (pour ceux que ça intéresse voir : le site de l’ADML), et enfin pour annoncer la création par la CGT Livre, sous l’ impulsion de l’ADML du premier syndicat des libraires (salariés) de France. Plus de 10 000 travailleurs sont encore à ce jour dans ce statut et n’ont pourtant aucun syndicat dédié, et chacun a pu observer ce que ça a donné, avec les affaires Virgin, Chapitre, France-Loisir, la destruction des librairies indépendantes par l’action publique etc.

Accessoirement …

Je ne suis pas là pour donner des leçons de morale ou de prétendue dignité à mes confrères et encore moins aux lecteurs, si méritants déjà de lire et de fréquenter les librairies, qui attendent simplement de leur libraire de quartier le service de leur fournir les lectures qui les intéressent, dans les meilleures conditions. Je ne me pose pas en parangon des vertus littéraires se drapant dans sa probité candide pour ostraciser mes chalands qui se hasarderaient à venir acheter des livres sur lesquels la presse ou quelque médiateur à attiré leur attention. A fortiori je n’imagine pas de censurer ces ouvrages, au motif que je ne les jugerai pas « convenables », sur la foi d’une éthique supérieure, d’une omniscience supposée et d’un infaillible discernement de libraire.
Si pourtant j’avais cette ridicule prétention je ne vois pas sur quelles bases je pourrai m’appuyer pour exclure le livre de Touiterveiller plutôt que celui de BHL (parfaitement grotesque de mon point de vue), de Onfray (pas moins ridicule à mes yeux) , naguère celui de Cecilia ex-Sarkozy, plus récemment celui de Moscovici, ceux de Valls, et tant d’autres pour lesquels j’ai une très faible dilection et dont l’intérêt artistique, la portée politique, l’élévation de pensée et la valeur d’édification morale ne me semblent guère mieux établies que pour « Merci pour ce moment ». Des livres dont je considère pourtant qu’il relève de la simple conscience professionnelle du libraire de les fournir à ceux qui les souhaitent.
Je juge enfin qu’il y aurait quelque chose d’insupportablement méprisant à stigmatiser les lecteurs de ces livres, aussi bien que ceux de Musso, Levy, Daniele Steele, Houellebecq, Emmanuel Carrère d’Encausse, Olivier Adam, et autres Beigbeider, etc. sous prétexte que ces auteurs relèvent selon moi d’une commune nullité d’intérêt littéraire et romanesque.
Je ne fais pas mystère de mes opinions, dans ce domaine comme tant d’autres (voir :  courrier-des-lecteurs) mais je ne les livre qu’à ceux qui souhaitent les connaître, en sachant (et souhaitant) que je n’arpente pas les ponts aux ânes de la critique panurgique, au risque de les choquer… courtoisement. Et surtout à des lecteurs qui sollicitent cette opinion « contradictoire » en ayant le livre en main pour l’avoir trouvé sur nos tables.
Bref, j’apprécie comme il se doit, et comme tous les français, les beaux efforts que notre Président déploie avec constance et créativité pour nous divertir des préoccupations que suscitent les duretés du temps. Je salue naturellement la manière dont il paie de sa personne, sous une forme vaudevillesque chère au public hexagonal, pour stimuler le marché du livre parmi les milieux populaires qui s’en étaient un peu détournés. Je salue également la discipline massive de la presse de toutes obédiences et de tout canal de diffusion et son respect de la consigne, jusqu’aux moindres « éléments de langage » pré-formatés, en sorte de propulser les ventes des livres éligibles selon les plans de com prévus. On regrettera cependant leur commune pusillanimité éditoriale et la fréquence assez chiche de leurs « campagnes de mobilisation ». Car force est de constater qu’en 2 ans les deux seuls ouvrages qui aient bénéficié de ce traitement de faveur, furent une bluette post-Harlequin , relookée porno SM ( « Cinquante nuances de grey ») puis le remake « pipole » et présidentiel de « séduite et abandonnée » par Mme Touitterveiller. Je n’ai rien contre ces choix qui vous regardent, mais dans l’intérêt général des métiers du livre, il conviendrait, M.Le Président, Messieurs-dames de la presse, de vous diversifier un peu, et peut-être, pour mieux informer votre jugement, de … vous mettre à lire, et nous mettre à lire, plus souvent.

J’ai adressé un mail à France 2 par le biais de leur site et du formulaire de contact de l’émission de Taddeï, mais je te serai infiniment reconnaissant de bien vouloir transmettre le présent message aux intéressés en insistant pour qu’ils y répondent et fassent droit à mes demandes.

Merci d’avance
Dominique Mazuet