Quand l’Histoire repasse les plats, celui qui a écrit, parfois, ne sait pas

Rétro

En 2002, emporté par un élan furieux et irréfléchi, j’écris Nos délits d’initiés et le regretté Jean-Marc Roberts le publie, fin août 2003……

En 2002, emporté par un élan furieux et irréfléchi, j’écris Nos délits d’initiés et le regretté Jean-Marc Roberts le publie, fin août 2003……

(…)

Mais voilà que l’actualité ramène brutalement sur le devant de la scène l’un des sujets que j’y évoquais alors : l’instrumentalisation de leur vie privée par des politiques.

Surtout, je lis et j’entends tant de choses qui me semblent amendables, discutables et contestables, que j’ai eu envie de publier ici quelques lignes qui pourraient nous aider à y voir plus clair.

Ou pas du tout.

Je m’explique…

Lorsque mon livre est sorti, en cette fin août 2003, l’écosystème médiatico-politique n’était pas du tout le même.

Jacques Chirac avait été réélu président de la République dans les conditions que l’on connaît.

Je ne bloguais pas encore (j’ai démarré en 2005).

Il n’y avait pas de réseaux sociaux (Facebook 2004, Twitter 2006…).

Il n’y avait pas de sites de partages de vidéos (Youtube et Dailymotion 2005).

Le Web n’avait strictement rien à voir avec celui d’aujourd’hui.

Il n’y avait que deux chaînes d’information en continu.

Nous n’avions pas de « Push » dans nos poches, ni de smartphones connectés en permanence, nous permettant de tout lire, de tout voir, de tout savoir, même et surtout le pire.

Ces rappels sont essentiels.

Ce que je couchais en 2003 sur le papier ne peut pas, ne doit pas être lu ou relu avec les lunettes ultra-déformantes de l’époque (actuelle).

Car je ne savais pas du tout ce que la suite (la technologie notamment) nous réservait.

Et pourtant…

Quand je reprends ce que je vais soumettre à votre regard, je ne suis ni éthiquement, ni intellectuellement, ni moralement, ni sociologiquement en désaccord avec ce que j’écrivais alors ; bien avant l’explosion 2.0, avant la multiplication des chaines d’info et leurs conséquences multiples, variées et détonantes (avec un t).

Simplement, sincèrement je ne sais pas si avec tout ce qui s’est passé depuis, si avec ce que j’ai appris, compris ou découvert depuis, je réécrirais exactement la même chose et de la même manière.

Je ne sais pas…

8 Commentaires

  1. Bonjour Guy

    Vous ne le reniez ni intellectuellement, ni éthiquement et pourtant vous ne le réécririez probablement pas de la même aujourd’hui. C’est l’indice que nous avons collectivement un gros problème, je pense.

    Exemple : Dans l’affaire récente, P. Pavlenski a mobilisé un argument similaire au vôtre pour dénoncer B. Griveaux : une hypocrisie, un écart entre discours public et privé. Et il l’a fait pour justifier un acte dévastateur.

    Or, par exemple, le site @si a montré (cf lien) que cela ne tenait pas : P. Pavlenski a opportunément confondu instrumentalisation de la vie familiale (avérée pour Griveaux) et défense du puritanisme (pas pratiquée par Griveaux dans ses discours publics). Mais P. Pavlenski a, lui, souverainement assumé cette confusion (très réac et puritaine, soulignons le au passage), et souverainement et solitairement décrété que cela méritait la dévastation qu’on connait.

    C’est sur ce dernier point qu’est en partie le noeud du problème. Il y a 15 ans, il aurait du convaincre un journaliste, un éditeur, de faire un sujet ou un livre. Il aurait du échanger, parler, argumenter. Or un éditeur ou un journaliste lui aurait fait remarquer, par exemple, qu’on peut être un père ou un mari aimant et avoir une maîtresse sans que ce soit un scandale public. Bref, il se serait heurté à une contradiction, a du débat. Et c’est cela qui solidifie une position.

    Là, il débattu avec lui-même, il a été d’accord avec lui-même, et puis il a juste eu à ouvrir un site (certes cela était possible à l’époque mais qui aurait lu/cru un texte, sans vidéo…) et à compter sur la caisse d’amplification des 3èmes couteaux du net (ça c’est plus nouveau), tel ce député répugnant ou le gourou en carton du transhumanisme sur les réseaux à la mode.

    EN 2003, un effet boule de neige sur une affaire de ce type aurait eu beaucoup de mal à se produire, et seulement si beaucoup de facteurs improbables s’étaient conjugués.
    En 2020, un effet boule de neige ne peut pas ne pas se produire, même si une seule personne quasi inconnue divulgue un unique document croustillant.

    C’est cette chambre d’écho, rapide, vorace, fulgurante, qui change concrètement la donne et fait, je pense que vous relisez ce (très bon 🙂 ) texte avec circonspection, doute, et recul critique.

    Cette chambre d’écho, ce n’est pas « les réseaux sociaux », c’est l’écosystème d’amplification, incluant les réseaux sociaux, mais pas que… les starlettes du Spectacle en mal de notoriété aussi, par exemple.
    Il est notable qu’un propagandiste du transhumanisme, idéologie qui joue en permanence sur la confusion faits/fantasmes, ait participé à cette déflagration. Il y a un schéma général inquiétant de restructuration de la société sur du possible, sur du promis, sur de la crainte, et non plus sur du réel qu’il faudrait creuser…

    Je crois…

  2. Bonjour Guy

    Vous ne le reniez ni intellectuellement, ni éthiquement et pourtant vous ne le réécririez probablement pas de la même manière aujourd’hui. C’est l’indice que nous avons collectivement un gros problème, je pense.

    Exemple : Dans l’affaire récente, P. Pavlenski a mobilisé un argument similaire au vôtre pour dénoncer B. Griveaux : une hypocrisie, un écart entre discours public et privé. Et il l’a fait pour justifier un acte dévastateur.

    Or, par exemple, le site @si a montré (cf lien) que cela ne tenait pas : P. Pavlenski a opportunément confondu instrumentalisation de la vie familiale (avérée pour Griveaux) et défense du puritanisme (pas pratiquée par Griveaux dans ses discours publics). Mais P. Pavlenski a, lui, souverainement assumé cette confusion (très réac et puritaine, soulignons le au passage), et souverainement et solitairement décrété que cela méritait la dévastation qu’on connait.

    C’est sur ce dernier point qu’est en partie le noeud du problème. Il y a 15 ans, il aurait du convaincre un journaliste, un éditeur, de faire un sujet ou un livre. Il aurait du échanger, parler, argumenter. Or un éditeur ou un journaliste lui aurait fait remarquer, par exemple, qu’on peut être un père ou un mari aimant et avoir une maîtresse sans que ce soit un scandale public. Bref, il se serait heurté à une contradiction, a du débat. Et c’est cela qui solidifie une position.

    Là, il débattu avec lui-même, il a été d’accord avec lui-même, et puis il a juste eu à ouvrir un site (certes cela était possible à l’époque mais qui aurait lu/cru un texte, sans vidéo…) et à compter sur la caisse d’amplification des 3èmes couteaux du net (ça c’est plus nouveau), tel ce député répugnant ou le gourou en carton du transhumanisme sur les réseaux à la mode.

    En 2003, un effet boule de neige sur une affaire de ce type aurait eu beaucoup de mal à se produire, et seulement si beaucoup de facteurs improbables s’étaient conjugués.
    En 2020, un effet boule de neige ne peut pas ne pas se produire, même si une seule personne quasi inconnue divulgue un unique document croustillant.

    C’est cette chambre d’écho, rapide, vorace, fulgurante, qui change concrètement la donne et fait, je pense que vous relisez ce (très bon 🙂 ) texte avec circonspection, doute, et recul critique.

    Cette chambre d’écho, ce n’est pas « les réseaux sociaux », c’est l’écosystème d’amplification, incluant les réseaux sociaux, mais pas que… les starlettes du Spectacle en mal de notoriété aussi, par exemple.
    Il est notable qu’un propagandiste du transhumanisme, idéologie qui joue en permanence sur la confusion faits/fantasmes, ait participé à cette déflagration. Il y a un schéma général inquiétant de restructuration de la société sur du possible, sur du promis, sur de la crainte, et non plus sur du réel qu’il faudrait creuser…

    Je crois…

  3. (Snif, j’avais écrit un commentaire en longueur, mais il n’est pas passé, l’épicerie est peut-être un peu grippée ? )
    Pour faire court :
    1. merci de nous faire repartager ce texte et de l’aborder avec un recul critique!
    2. Il me semble que ce qui explique votre perplexité, c’est que depuis 2003, la société a perdu pas mal de son surmoi. Il y a des mécanismes nouveaux, et des habitudes prises en conséquences, qui font que + de gens peuvent dire + de choses publiquement sans filtre. Les filtres peuvent être de la censure (non, je ne prendrai pas ton sujet, trop dangereux pour le pouvoir), mais aussi du débat (es-tu sûr de ton angle, de ta lecture de l’histoire, n’es tu pas aveuglé par ta morale perso, es-tu sûr que les conséquences seront proportionnées ?). Les médias étaient une médiation, pour le pire ou pour le meilleur. Mais maintenant, on a des médias … immédiats + des appétits aiguisés par les perspectives que cela ouvre (donc ce n’est pas qu’un problème de rézosocio).
    3. Ce beau livre n’a rien à faire par terre.

  4. Ce qui diffère aujourd’hui c’est un conjonction de techniques et d’hommes qui, par une possibilité d’immédiateté, contournent les médiations et font sauter le surmoi de la société. Un P. Pavlenski n’aurait pas été impensable en 2003 mais aurait du férocement batailler avec un journaliste ou un éditeur pour sortir son affaire. Ils l’auraient placé devant des contradictions. Il auraient été ce surmoi, qui peut être parfois de la censure, mais aussi parfois de la prudence, du débat. Vos principes de 2003 demeurent moralement valables, mais des forces brutales sont désormais concrètement en mesure de les balayer, de contourner toute médiation. C’est, je crois, ce qui créée le trouble. Ou en partie.

  5. Et on ne laisse pas un beau livre comme ça par terre 🙂

  6. 😉

  7. [je suis désolé de cette triplette de messages similaires mais le premier était resté dans les l’arrière boutique, puis je l’avais reposté sans succès, puis suis revenu à la charge avec deux tentatives de faire plus court. Maintenant qu’ils sont tous apparus, l’effet d’accumulation est un peu ridicule. Sorry]

  8. je vais règler ça

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