Toutes les « autorités » les plus légitimes écrivent ou annoncent que la présidentielle qui s’annonce sera extrêmement sale.
J’ai même entendu dire « dégueulasse ».
Soit. C’est probablement exact.
Mais où étaient-ils en 2002 ? Ont-ils entendu parler du juge Halphen, de ses tentatives pour entendre le Président Chirac, de Papy Voise ?
Et en 2007 ? L’affaire du présumé financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy ne concerne-t-elle pas justement cette campagne (même si elle fut révélée après) ? Et que dire de ce que le futur Président Sarkozy eut à subir et qui impacta sa vie personnelle, avec l’aide efficace de ses bons amis chiraquiens, entre 2005 et l’élection ?
Et en 2012 ? Demandez à Dominique Strauss-Kahn s’il ne s’est rien passé, ne serait-ce qu’un an avant.
Et en 2017 ? Là tout le monde se souvient bien, je pense, des « ennuis » de François Fillon, comme des MacronLeaks…
Oui les réseaux sociaux, les chaînes d’info, les talk-show et tous les « charlots » vont accélérer, propager, multi-diffuser le laid.
Mais chaque scrutin présidentiel Français a charrié ses épisodes glauques ou infects, vrais et faux.
Et si je remontais loin, je pourrais démontrer que, depuis que la présidentielle existe sous cette forme en France (1965, dans les faits), des rumeurs, des scandales et de vraies affaires ont scandé quasiment chaque scrutin (l’affaire Markovic, visant les Pompidou, en 1969, la feuille d’impôt de Chaban-Delmas en 1974, les diamants de Giscard en 1981…)
Par ailleurs, qui pourrait prétendre que les quatre mandats de messieurs Mitterrand et Chirac ont été de longs fleuves tranquilles ?
Il faudrait plusieurs tomes, abondamment fournis, pour tenir la chronique de tout ce qui s’est passé de trouble ou de troublant de 1981 à 1995 puis de 1995 à 2007.
Alors, oui, oui, c’est vrai, 2022 va sûrement être très sale.
Oui le rythme de la saloperie sera dément.
Oui, la moindre étincelle sera amplifiée grâce aux/à cause des technologies modernes et des médias et autres supports en concurrence acharnée !
Mais ne faudrait-il pas – aussi – questionner nos « traditions » Françaises ? Politiques et médiatiques ? Et pas seulement les « moyens » qui permettront de propager des « boules puantes », d’étaler des rumeurs ou de diffuser de véritables affaires.
Campagnes odoriférantes de longue date, oui ! Merci pour le rappel nécessaire de la profondeur historique. Crainte néanmoins des spécificités de l’époque, et en l’occurrence, pour 2022, pour au moins deux aspects liés à l’influence numérique sur la démocratie : la cybermanipulation à l’échelle globale, et à l’échelle locale, l’élargissement du domaine du spin. Jadis réservé à quelques spin doctors identifiables à la longue, il est désormais, grâce au réseaux sociaux, dans les mains de tous les égosophes et autre fascistonista (cf ces 48 dernières heures) d’opérette, tous les ratés du Spectacle, avec la cavalerie médiatique qui les relaie et qui, pendant ce temps, ne parle pas de chômage, des pauvres, des précaires, des exilés, de l’industrie, du climat. Si on est à la merci des ces toupies, on est quand même dans une configuration assez inédite cette fois, avec des relents méphitiques qui me laissent vraiment intranquilles. Non ?
Oui, je l’écris, l’époque a ses spécificités, notamment technologiques, mais sur le fond, n’avons-nous pas historiquement un sacré problème ?
Je suis entièrement d’accord là-dessus. C’est parfois, d’ailleurs, à se demander si les réseaux numériques ne sont pas avant tout le nouvel avatar, ou le nouvel écrin opportun de cette tendance longue, le nouveau bac à sable de ces pratiques (apportant malheureusement avec eux, leurs conséquences inédites, comme la nuée l’orage). Je manque néanmoins de connaissances pour savoir s’il y a une spécificité française à ce propos.
« spécificité française à ce propos » : je voulais dire à propos de la tendance historique longue rappelée dans le billet. il me semble que plus cette tendance serait partagée dans d’autres pays (et je crains que les boules puantes, les coup bas ne soient pas une spécificité de chez nous…) plus elle nous indiquerait que le problème est non pas historique mais pire : anthropologique.
Si le pire (= Marine le Pen, pour moi) devait arriver l’an prochain, je pense qu’il serait difficile d’en décréter « la » cause. C’est presque un problème de philosophie politique : la cause serait-elle la tendance longue à l’abaissement de la politique par les politiques eux-mêmes, ou le petit bonus providentiel, aka la machine a hystérie permise par la technologie, permettant d’accéder à la dernière marche à l’arrachée ? Les deux se plaident. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas annuler l’histoire, seulement la connaître et méditer dessus.
Pour éviter ça, reste sur le fond (1) à agir chacun à sa manière pour que les programmes politiques aient du sens, donnent une raison positive de voter, pas seulement « contre » (2) à subir le moins possible les réseaux numériques + chaines d’info continue tels qu’ils sont actuellement et qui ne changeront pas dans les 12 mois qui viennent, en inventant les moyens des les subvertir. Pas gagné, certes ! Mais avec un cocktail Gramsci + Aïkido et un peu d’enthousiasme, les démocrates sincères devraient pouvoir tenter des trucs, inventer…
Je termine 😉 avec une précision : je ne crois pas que Marine le Pen va gagner. Je ne crois pas à « on a tout essayé sauf elle, donc essayons là ». Non, nos ainés savent qu’on a déjà essayé, et précisément ils savent la catastrophe et le déshonneur que ce fut, ces choses là se transmettent dans les familles. Il y a des anticorps républicains dans ce pays, chez les anonymes, même si, je l’accorde, c’est pas gai d’être trahi par le haut du panier, les petits marquis médiatiques qui s’encanaillent à préférer M. le Pen à d’autres. Tout ça après des décennies de leçon de maintien…
Suggestion de lecture pour qui veut : « La possibilité du fascisme » d’Ugo Palheta. Pour réfléchir à ca sans posture, sans cris d’orfraie. Et un maitre mot : il ne faut pas paniquer, il faut s’organiser.
Merci Thomas !